DéFICIT DES RETRAITES : LA RéFORME INSUFFISANTE, VERS UN NOUVEAU COUP DE BAMBOU

Le Conseil d’orientation des retraites estime que le régime devrait être dans le rouge dans les prochaines années et au-delà. Une annonce qui peut servir aux supporters comme aux opposants de la réforme des retraites de 2023.

C’était l’un des arguments mis régulièrement en avant par le gouvernement d’Elisabeth Borne pour défendre la réforme des retraites. Repousser l’âge légal de 62 à 64 ans devait permettre «d’assurer l’équilibre du système par répartition à l’horizon 2030», affirmait la Première ministre, lors de la présentation de la réforme des retraites en janvier 2023. Objectif atteint ? Aucunement si l’on feuillette le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (Cor) qui doit être rendu public jeudi 13 juin. Cet organe de référence qui réunit les partenaires sociaux, des élus et des spécialistes, estime qu’en 2024, le déficit du régime de retraite s’élèvera à 0,2 % du produit intérieur brut (PIB), à 5,8 milliards d’euros, et atteindra 0,4% du PIB en 2030 puis 0,8% du PIB en 2070.

Des chiffres qui, selon les points de vue, peuvent faire dire que la réforme des retraites de 2023 était inutile ou au contraire, que sans elle, la situation serait encore pire. Si dans son rapport, le Cor ne tranche pas ce débat, il pointe quelques pistes d’analyses. Regardons d’abord du côté des dépenses en matière de retraite. Elles représentent 13,4% du PIB et devraient atteindre 13,7% en 2030 pour diminuer à 13,2% en 2070. Malgré la réforme des retraites, les dépenses vont d’abord augmenter plus vite que le PIB en raison d’un nombre de plus en plus élevé de retraités et d’une hausse des pensions moyennes. Ensuite, le nombre de retraités se stabilisant, les dépenses reculeront, comparativement à la richesse nationale.

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Une nouvelle réforme des retraites nécessaire ?

De l’autre côté de la balance, la réforme des retraites, en faisant travailler les actifs plus longtemps, doit rapporter plus de cotisations dans les caisses. Il s’agit, en effet, de la principale ressource du régime (66,6%). Or ce ne sera pas le cas. Le Cor estime que la part des ressources atteint 13,6% du PIB en 2023 (soit 385,6 milliards d’euros) et devrait baisser à 12,4% du PIB en 2070. L’une des explications est que l’augmentation globale des cotisations sera freinée du côté des fonctionnaires, du fait du quasi-gel de leur rémunération. Qui dit faible augmentation de la rémunération, dit aussi faible hausse des cotisations - un pourcentage de cette rémunération - qui entrent dans les caisses du régime de retraite.

Une chose est donc certaine : la réforme des retraites n’a pas permis d'équilibrer structurellement le système de retraite. Sans dire explicitement qu’il faut une nouvelle réforme, le Cor expose les ajustements nécessaires pour rétablir l’équilibre financier du régime. Si le choix se porte uniquement sur le relèvement de l'âge de départ à la retraite pour combler «le trou», alors «il serait nécessaire de porter cet âge à 64,4 ans en 2030 et 66 ans en 2070», estime l’instance présidée par Gilbert Cette.

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Un constat à contre-courant des propositions portées par plusieurs partis pour les élections législatives anticipées. Le Rassemblement national, arrivé en tête du scrutin européen, demande l'abrogation de la réforme des retraites et un retour de l’âge légal à 62 ans voire à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler tôt. A gauche, du côté de l’union du «Front populaire» qui est en train de se monter (réunissant le Parti socialiste, les écologistes, la France Insoumise et les communistes), la promesse est aussi de revenir sur la réforme des retraites de 2023. Avec des désaccords qu’il faudra encore éclaircir. Alors que la France insoumise et les communistes sont favorables à un retour de l’âge légal à 60 ans, les socialistes et les écologistes, lors de l’élection présidentielle, optaient plutôt pour un maintien de cet âge à 62 ans.

Des solutions impopulaires

Le curseur pourrait cependant bouger. «Je suis favorable à ce que l’âge légal soit de 60 ans pour l'ensemble des Français, cela veut dire que ceux qui ont commencé à travailler tôt pourront partir tôt», a affirmé le patron du PS, Olivier Faure, sur le plateau de la matinale de TF1, ce mardi 11 juin. Avant de préciser que la durée de cotisation pour obtenir le taux plein ne sera pas la même pour tous, sans donner plus de détails. Un point qui devra encore faire l’objet de discussions.

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Autre solution, non moins polémique, évoquée dans le rapport du Cor : baisser les pensions ou, a minima, les faire évoluer moins vite que l’inflation. Si l'exécutif a évoqué entre les lignes la possibilité en 2025 de revaloriser les pensions en dessous de l’inflation, peu de partis politiques devraient se risquer à mettre en avant cette mesure impopulaire pendant leur campagne. Dernier levier pour améliorer les finances du régime : relever les taux de cotisation retraite. «Une hausse du taux de prélèvement de 0,6 point serait nécessaire pour équilibrer le système de retraite en 2030», évalue le Cor. Une augmentation à laquelle s’est toujours refusé le président de la République Emmanuel Macron. La France Insoumise évoquait elle l’idée, lors de la présidentielle, de relever la cotisation sur la retraite de base pour les revenus au-dessus de 3 428 euros. Loin de ces considérations politiques, le Cor précise bien que les chiffres avancés ne sont pas une proposition de réforme et qu’ils ont «uniquement une vocation pédagogique».

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